J’avais toujours gardé une certaine nostalgie de l’époque où j’habitais encore à la Capitale. Même si elle n’était pas aussi ouverte que Neveria, Belvar m’avait toujours inspiré l’œuvre des grands mages qui avaient érigé Asmosa. Mais surtout, cette cité était à elle seule un concentré de savoirs et de connaissances en magie. Un commencement pour les novices, et un objectif pour les plus grands érudits. À sa manière, Belvar était d’une incomparable richesse. Mais cette fois-ci, une toute autre raison m’avait mené jusqu’à la cité. Depuis que le vieux gardien avait décidé de me mettre à la porte, j’avais décidé de considérer plus attentivement sa requête : que je quitte Neveria pour découvrir le monde de mes propres yeux. Que j’apprenne la magie autrement que dans les livres, que je me confronte au monde réel. Honnêtement, j’avais beaucoup rechigné. Après tout ce temps dans les livres, j’avais presque oublié le doux sentiment que procurent l’aventure et la liberté. Mais avant de m’éloigner d’Asmosa – de chez moi – j’avais plusieurs choses à faire. Et c’était l’une d’entre elle qui m’amenait à Belvar. Je n’avais pas prévu de m’attarder. À dire vrai, j’avais même l’intention d’éviter la confrontation directe. Alors, je m’étais contenté de préparer une lettre, laissée à l’attention de ma sœur. À peine quelques lignes pour expliquer mon départ. Elle m’en voudrait certainement, mais j’avais toujours eu les adieux en horreur. Et je serais de retour bien assez tôt.

J’errais dans les rues, pensif, quand un édifice plus que les autres attira mon attention. Une vaste structure, que je connais comme ma poche : l’Académie des Éléments. J’avais passé bien des années là-bas. En partie pour apprendre, mais surtout pour semer la zizanie autour de moi. Ces souvenirs m’arrachèrent un sourire. Et, pris d’une lubie comme une autre, je décidais de retourner dans l’enceinte de l’école des mages.

Tout était comme dans mon souvenir. Durant un instant, j’eus la sensation que je n’avais jamais quitté cet endroit. De façon assez étrange, de nombreux souvenirs – jusqu’à là oublié – affluèrent à la surface. Mes erreurs, mes mauvaises idées, les interminables cours… Et toutes ces petites choses contribuèrent à alimenter mon sentiment de nostalgie. Je marchais dans les alentours, réfrénant une furieuse envie d’entrer dans le bâtiment en lui-même, quand une silhouette familière attira mon attention. Mon sourire s’étira. J’avais dû lui causer bien des soucis, et pourtant, j’avais toujours ressentit une profonde sympathie à son égard. J’attendis qu’il me remarque, avant de lui adresser un signe de la main. Mon sourire s’agrandit de plus belle, et durant une fraction de seconde, j’étais de nouveau le jeune mage turbulent de l’Académie. Mais cette sensation s’estompa rapidement quand il arriva à ma hauteur. Le Directeur. Je ne m’étais pas attendu à le retrouver exactement comme à mon départ. En réalité, j’avais parfois la sensation que mon passage dans l’Académie relevait d’une autre vie, tant les choses avaient changé depuis mon départ. Mais le sentiment que le Directeur m’inspirait, lui, était demeuré parfaitement intact.

« Alors c’est là que vous êtes pendant les cours : dehors, à profiter du beau temps ? »

Chacun savaient que ce n’était rien d’autre qu’une plaisanterie. S’il était un homme auquel je n’aurais pas pu reprocher son manque d’implication, c’était bien lui.

« Ça faisait longtemps. Content de vous revoir. »

Je lui affichais un grand sourire. J’imagine que moi aussi, j’avais changé à ses yeux. J’avais grandi, mais j’étais aussi plus calme, plus mûr, plus posé. Et – croyez le ou non – j’avais gagné une once de respect. Et vêtue d’une tenue élégante aux couleurs d’Asmosa, je n’avais plus rien du jeune homme en apprentissage. Durant ces quelques années, j’étais devenu un homme et un mage accompli.